LA TRAVERSEE des MILLENAIRES.

J'aime chez RABELAIS, le contexte de son époque, celui de la renaissance. Ce mouvement abandonnait la féodalité au profit de nouvelles mentalités humanistes, d'ouvertures d'esprit, de découvertes du monde, d'expérimentations et de leurs observations.

Lorsque Catherine B. proposa de nous lire la naissance de Pantagruel, fils de Gargantua et de Badebec, livre publié en 1532, au fur et à mesure, mon esprit comprit combien RABELAIS, prêtre et médecin souhaitait dire son expérimentation et ses idées, le nourrisson est déjà un être humain à part entière et en plein devenir, ce qui était au 16éme siècle, une vision nouvelle, décalée, car laissé à eux-mêmes, les enfants, n'avaient guère plus de valeur que les chiens, ils recueillaient les miettes qui tombaient de la table.

Avancerions-nous, comme le point de nos machines à coudre ou nos vieux projecteurs cinéma, un grand pas en avant et deux petits pas en arrière, dans un monde à l'envers de l'endroit par delà les miroirs aux alouettes… surtout au sujet du développement des petites filles, des femmes, des mères.
Elle se souvenait d'où elle venait, elle avait marché très longtemps, l'exploration de ses profondeurs proposait une échappée belle, une traversée des millénaires, toutes ces expériences transformatrices grâce à la découverte des idées qui avaient jalonné les temps et ces états d'être au monde, femmes, mères, amour, aventureuses, responsables.
Elle se souvenait, dans le pays d'Afgha, les hommes étaient considérés comme des dominants, les femmes et les enfants des dominés. Les forts et les puissants asservissaient les faibles. Une codification relationnelle était mise en place depuis la nuit des temps, selon les hiérarchies, les allégeances, se croisaient dans tous les sens et se superposaient dans ce beau et sombre pays où le désamour était déclaré constitutionnellement religion d'état.
Malgré ces principes restrictifs et oppressifs, la vie cheminait entre les hommes et les femmes, les enfants.

Un couple comme tant d'autres, EGO, l'homme et MISA, la femme attendait la naissance de leur bébé, toutefois l'arrivée d'un nouveau-né pouvait bouleverser cet ordre, si bien organisé des rapports humains.
La venue de Bebé attirait beaucoup d'inquiétudes comme pour chaque nouvelle venue dans ce monde qui se savait vivre l'envers de l'endroit au titre de la suprématie gouvernementale de ce pays.
Maman MISA portait un enfant dans son ventre, le terme approchait, tous et toutes préparaient l'accueil du bébé. La préparation de la naissance consistait à savoir qui allait transmettre tous les fonctionnements adéquats, tout au long de la vie de cet enfant, afin qu'il ne fasse pas de vague, pas d'effronterie, pas d'impertinence, pas de rébellion.
Cette façon de faire, de voir la vie et son devenir, maintenait une grosse culpabilité sur chacun des protagonistes, surtout, si l'avenir avérait un manquement aux usages en rigueur, seul l'argent avait valeur suprême.

Malgré tous ces préparatifs, la mère sentait bien au-delà du non-amour déclaré Constitution d'Etat, elle sentait en elle, une petite inquiétude, et, si son enfant, qu'elle n'imaginait pas obéissant à toutes les dominations, s'il lui prenait, par on ne sait quelle nécessité intérieure, de diverger un tant soit peu, qu'adviendrait-il, s'il ressemblait à elle, s'il était empreint de son esprit libre ?
Bien sûr, elle savait qu'il y aurait quelqu'un pour lui dire et lui montrer derrière ces dominations se tenaient au garde à vous des gros méchants ogres et ogresses dans l'obscurité semant la terreur auprès des dissidents, surtout les dissidentes.

Bien qu'elle sache tout cela, et, aussi combien le cœur était tenace, combien la liberté de choix était inscrite au plus profond de nous, elle était à l'écoute de l'indicible. L'utopie.
Misa, la mère, grosse, prête à mettre au monde sentait en elle une tendre relation à son enfant. Une souvenance. Une espérance. Connaître son identité véritable.

Mais qu'en était-il de NEGO, le père. Celui-ci ne supportait pas l'idée, que l'intérêt de la mère aille ailleurs que vers lui. Pourtant, il le voulait cet enfant pour étendre sa domination et absorber sa fraîche psyché, qu'il savait belle, inconditionnellement aimante, pleine de bonté, de confiance.

Il savait aussi malgré lui, qu'il n'aurait de cesse de tout s'approprier, de nier à ce nouveau-né toutes ses identités, espérant qu'il se soumettrait à lui, seul, sans aucune autre coopération, ailleurs.
L'âme dévastée, EGO, le père avait complètement oublié le sens de la relation à soi, depuis si longtemps, les mots s'étaient perdus, ils n'étaient plus rattachés aux paroles vivifiantes des identités cosmiques et solidaires.

MISA, la mère dans le for intérieur de son identité, inaccessible à la doctrine du désamour, malgré toutes les répressions possibles, elle espérait au-delà de l'espéré, au-delà de l'inespéré.

Elle espérait … des paroles, dans lesquelles parler la langue des mots perdus nayaquaadamanayaquaadamayalachayama.

Au fil du temps, cet espace, dans lequel les mots se mouvaient, avait tellement diminué, les ressources humaines, richesses généreuses, croissances spirituelles avaient disparues à l'avantage des biens dit matériels, la croissance de l'être humain déclinait en qualité et en nombre. La parole était sans valeur.

Les Egos étaient tellement irritables, sans état d'âme, la langue s'asséchait, la résilience à la vie s'étiolait.

A nos antipodes, les réminiscences des bébés à la tête fleurie, le thorax en forme de cœur, comme à l'approche des naissances d'antan, elles restaient dans les désirs d'avenir, l'espoir secret, où les sons de la parole soufflée surgiraient de leurs " grangousiers "
Elle naquit. Ce fut elle. Trésor de vie !
Ils avaient choisi tous deux, un prénom, la mère avait osé proposer son choix pour prénom usuel, celui du père comme deuxième prénom.
Il avait dit oui, tout en sachant qu'en tant que dominant, il peut changer d'avis comme de chemise et à tout instant.

D'ailleurs, quand la mère entra dans le travail d'accouchement à sept heures du matin, il l'accompagna à la sage femme. Il avait mis sa chemise de la veille, en un jour pareil, il la lui fallait changer, ce qu'il décida sur-le-champ. " Je dois changer de chemise "

Pendant ce temps, les contractions suivaient leur cours, le bébé se préparait à sortir du ventre de sa mère, qui se sentait un peu démunie devant le narcissisme et l'absence du futur père.

Que faisait-il, il tardait à revenir, il arriva pratiquement lorsque l'enfant se présenta à l'air libre, la sage femme le présenta à bout de bras, regardant le père, elle dit, alors quel prénom ?
MINEURE il dit et VIERGE il ajoutait. Surprise, ce prénom inconnu jusque là s'imposerait-il comme une inspiration de l'instant ?

" Ce n'est pas ce que nous avions convenu ensemble" disait-elle. N'oubliant pas son rôle de dominant, l'abus de faiblesse était l'opportunité d'une virevolte et pour elle un trouble. En couple qui protège de l'autre ?

Bouleversée, MISA avait senti une perte de dignité et quelque chose dans ce monde s'était mis à tourner à l'envers, ceci la préoccupa pour le devenir de l'enfant et d'elle-même.

Puis, avant que la sage femme soit occupée à enlever le placenta, elle avait eu juste le temps d'exprimer, donner, dire le prénom de son enfant : Amour.

Elle l'avait choisi et imaginé ainsi, elle avait demandé qu'il soit noté sur l'extrait de naissance.
Puis devant cette naissance merveilleuse, elle oublia de gré l'incident troublant.
L'identité des femmes.

Le père avait peur, il imaginait la mère pouvant faire lien avec l'enfant, il ne pouvait supporter l'idée d'être mis en questions ou en cause et encore moins un sentiment véritable où l'altérité serait de mise.

Pleine de sa maternité, MISA, subit le rapt symbolique de leur enfant

Les psychés niées, écrasées, allaient devoir faire avec ce qui resterait de réel.
De cette mésentente, il était fier bafouant le désir de sa femme et de la mère. Il était père.

Cette violence morale insidieuse, exercée, c'était affecter la mère et aussi altérer l'enfant, un jour oser le dire, la tarauda des décennies durant. Pourquoi ?
L'enfant ne fut jamais prénommée AMOUR.
Le mot disparut du vocabulaire familial.

Le mépris de l'être était d'une violence impensable mais réelle.
Depuis ce temps là, MISA n'avait cessé d'espérer trouver sa véritable identité, celle que personne ne pourrait jamais plus lui ravir, comprendre et intérioriser la finesse de cette intelligence.

Elle avait ouï-dire, des hommes connaissaient leur liberté intérieure et ils se permettaient de très bons matins, de siffler des airs d'autrefois, ils pensaient ajouter des jours aux nuits.
Tous les hommes ne le savaient pas.
Espérance, lucidité !
MISA, filles, femmes, mères, grandes-mères, regardant son parcours, se réjouissaient d'avoir survécues et d'avoir pu connaître la liberté de créer.

Ayant pris toutes les tangentes, MISA avait réussi une échappée belle. Exode. Exil. Par delà les cruautés, émerveillée, libérée, dans le for intérieur de son identité, bienveillante, assise à la chaise longue, à l'ombre du grand arbre, près du ruisseau, le vent bruissant, un verre d'orgeat bien frais posé sur une petite table, elle écoutait sa guidance L'estro harmonico et dans sa chambre haute, attentive, elle, chantait la grâce du mystère des intelligences solidaires.

Ambivalent, l'enfant avait grandi …son trésor enfoui, en attente de clarté et de volonté. MISA, mère, prise en otage en mode rançon avait rongé son frein.
Filles, femmes, les temps changeaient, la vie continuait, les êtres portant un monde en soi, partaient en quête d'advenir. La quête se perpétuait.
Un jour venant, par delà le bien et le mal, le voile s'était déchiré et laissé apparaître la vie unique, telle la chaîne cosmique des protéines, créatives, les prémices solidaires de la compréhension et de la lucidité s'éveillaient !
MISA tendait l'oreille au souffle discret d'un air, et, entre les murs des oppositions et de sa faille, MISA se construisait, s'édifiait en tendresse et force.

Puis, son cœur jubilait, son trésor, son enfant cherchait aussi à clarifier les circonstances et attendait une réponse juste à sa nécessité vitale de connaître.
Elle aimait cette capacité d'écoute, les fréquences d'une radio où chacun accueille des sons, des mots, couleurs et pensées, musicalités des mondes révélés à nos humanités. Les filiations ! Combats et victoires !
Elle sait qu'elle est devenue cette femme de valeurs avec ses identités en droits et en vers toutes ses responsabilités !
Une voix, une écoute. Une écriture libérée développant une pensée tel un parfum, nommé, AMOUR ! .
Et, telle une flèche vers son but était la traversée !

L.M. ELORE 27 mars 2012

 

 

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